Echange épistolaire autour de la pratique tantrique

Echange épistolaire autour de la pratique tantrique

Certains croient que le tantra n’est qu’une affaire de plaisir sensuel, une recette pour pimenter sa vie de couple ou vivre un orgasme cosmique une fois dans sa vie. Pourtant, si tu mets vraiment les mains dedans, tu tombes vite sur un truc bien plus déroutant : un mélange de transe, d’énergie, de doutes et de désirs, où rien ne se passe exactement comme prévu. Quelques jours après avoir accompagné M., jeune père de famille un peu paumé dans sa virilité, je me suis demandé si l’exception n’était pas parfois plus instructive que la règle. Alors, j’ai repris notre échange. Parce que derrière les mots polis et l’honnêteté maladroite, on décortique, ensemble, ce que ça veut dire d’être un homme, d’accepter son excitation, et d'apprendre à la canaliser, plutôt que de laisser le plaisir décider pour nous.

Aux origines de la démarche : questionner sa masculinité avec le tantra

M. a poussé la porte avec la franchise un peu gauche de ceux qui veulent faire bouger les choses. Trente-cinq ans, marié, père, mais le doute dans les yeux. Sa question n’était pas vraiment sur le plaisir, ni le fantasme. Il voulait comprendre : c’est quoi être un homme, comment se réconcilier avec son corps et son désir ? Le tantra, il en avait entendu parler. De loin, ça paraît simple – respirer, se détendre, peut-être atteindre une sorte d’extase. Pourtant, dès la première minute, on sent que les automatismes collent à la peau. Le massage commence sur un futon, deux heures, avec une méditation axée sur les chakras. L’ambiance ? Un fond de tambour chamanique, pas le genre playlist spa. Et là, les sensations déboulent. M. sent l’énergie grimper, comme une montée de Kundalini, des spasmes qui secouent, ça vibre tellement fort que tout le corps semble répondre.
Mais petit à petit, la tension se concentre. Le massage éveille le désir, la stimulation devient sexuelle. M. peine à sortir de cette spirale. Même la voix douce, les gestes lents, le massage des épaules et du visage pour l’apaiser, rien n’y fait. Il reste allongé, crispé, frissonnant, presque perdu. Ce n’est pas une histoire de honte, mais un constat : ici, le corps prend vite le dessus, l’esprit aussi.

En médecine traditionnelle chinoise, on parle de "crise de vent" quand l’énergie stagne. Souvent, ces séances brassent plus que prévu. Réancrage obligatoire : points d’acupuncture, respiration, tisanes. Mais malgré ces rituels, l’excitation reste. Il suffit d’y repenser pour que tout revienne. Ce n'est pas juste une anecdote. Plusieurs hommes, même après leur premier massage tantrique, disent ressentir encore cette énergie dans leur quotidien, comme un parfum qu’on n’arrive pas à chasser. Pour M., ce fut intense, bouleversant. Le tantra ne se contente pas d’apporter du plaisir, il met aussi à nu les incohérences et les peurs.

Sur le fil du rasoir : l’ambiguïté entre soin tantrique et plaisir sexuel

Quand M. m’a écrit après la deuxième séance, son message transpirait la sincérité. Oui, il avait compris quelque chose. Le fameux "tu m’as massé, c’était agréable, une partie de moi a aimé ça, même si ce n’était pas censé." Là, on n’est pas dans la sagesse de grand maître – plutôt dans une vraie vulnérabilité. L’intention de départ était claire : travailler sur sa masculinité, évoluer, sortir des sentiers battus de la sexualité automatique. Sauf que le corps, parfois, joue sa partition bien à lui. La méditation avait bien aidé à canaliser l’énergie au début, mais plus le massage avançait, plus le désir prenait le dessus. Éjaculation non maîtrisée, inconfort, malaise, presque de la honte. Mais surtout un regard nouveau sur ses propres mécanismes : une part de lui cherche ce plaisir, même si une autre le juge. Il s’excuse, se demande si c’est irrespectueux. Mais le vrai respect, il commence ici — reconnaître sans filtre ce qui se passe en soi.

Ma réponse ? Franche, peut-être un peu cash : "Tu sais, le tantra occidental joue sur une corde ultra-tendue. On titille l’énergie sexuelle, puis on fait comme si ça devait rester à distance." Voilà où naît l’ambiguïté. Certains se servent du tantra comme prétexte à des massages sensuels déguisés, cherchant l’orgasme comme but ultime. Mais la posture du praticien change tout. Personnellement, je n’y vois pas une transgression ou un manque de respect, tant que la prise de conscience suit. Parfois, laisser l’homme aller jusqu’au bout de cette tension – jusqu’à la fameuse "crise de vent" – lui permet de dépasser l’obsession, de passer à l’étape supérieure. Mais si ça se répète à chaque rencontre, le soin devient un service sexuel tout bête, une masturbation rémunérée. C’est là que se dessine la frontière la plus fine : entre soin énergétique, exploration du désir, et prestation sexuelle. Le tantra, s’il est authentique, refuse cette confusion. Honorer le corps comme un temple divin, ce n’est pas satisfaire un fantasme ; c’est accompagner une transformation.

Énergie, circulation, et enjeux du massage tantrique

Énergie, circulation, et enjeux du massage tantrique

Le massage tantrique ne s’improvise pas. Il se nourrit de traditions, de rituels, de savoirs précis. Un des éléments clés, c’est la gestion de l’énergie sexuelle : l’objectif est de la faire circuler partout dans le corps, pas de la laisser exploser là où elle jaillit spontanément. Les taoïstes ont des siècles d’avance sur nous à ce sujet. Leur truc ? Garder l’énergie vitale, le Jing, stockée dans les reins et manifestée par le sperme, car sa "fabrication" est coûteuse pour le corps. D’après eux, plus tu sais jouer avec ton désir sans forcément aller jusqu’à l’éjaculation, plus tu renforces ta vitalité et ta longévité.
Un peu démago, peut-être. Mais la logique est là : sexualité consciente, plaisir prolongé, fatigue évitée.

Dans le massage, ce n’est pas tant l’orgasme qui importe, mais la façon dont tu y accèdes – ou pas. Les sécrétions intimes, l’érection, sont juste des témoins d’une bonne circulation énergétique. Quand on pratique un massage lingam, ce qui compte, ce n’est pas d’aller au sommet de la montagne, mais d’apprendre à faire durer l’ascension. Or, dès que l’excitation déborde et qu’un orgasme "tombe du ciel", sans volonté consciente, le sentiment d’échec n’est jamais loin, pour le massé comme pour le praticien. Le but, c’est de connecter le Rein (l’énergie, la pulsion), et le Cœur (les sentiments, le ressenti). Si ça ne circule pas, ou si le geste reste automatique, tu te retrouves vidé. Une petite mort – pour rien.

Fun fact assez bizarre, mais réel : en médecine chinoise, l’oreille est reliée au rein, donc à l’énergie sexuelle. Pas étonnant que le vieux mythe "la masturbation rend sourd" ait traversé les générations ! Derrière la blague, il y a une vraie réflexion sur l’importance de ne pas gaspiller cette énergie à la légère.

Dompter l’obsession, transformer le désir : outils et apprentissages

Le chemin n’a rien d’une ligne droite. Rares sont ceux qui, dès la première séance, réussissent à canaliser leur excitation, à vivre la montée d’énergie sans la sexualiser. La clé, c’est la respiration. J’ai appris à M. la technique de l’orbite macrocosmique : faire circuler l’énergie de la base du périnée jusqu’au sommet de la tête, puis la redescendre. Une sorte de loop énergétique qui, pratiqué avec sérieux, aide à transformer la tension en ressenti global. Mais attention, là, tout se complique : il faut arriver à contracter le périnée au moment clé, à ralentir le souffle quand tout s’accélère, à rester spectateur de l’excitation sans s’y laisser happer. C’est un vrai entraînement, souvent semé d’échecs.

Ce qui m’a marqué avec M., c’est justement son honnêteté sur le plaisir ressenti. Beaucoup se mentent, prétendent qu’ils viennent "méditer", alors qu’ils cherchent juste la décharge orgasmique. Lâcher prise, parfois, passe par une "crise" : cette éjaculation, aussi frustrante qu’elle soit pour l’ego, permet de déverrouiller la peur, de calmer un fantasme devenu encombrant. Une fois cette étape franchie, le dialogue se fait plus nourri, la conscience s’aiguise. Progressivement, l’homme apprend à savourer la montée du désir sans la fuir ou la réprimer. À force, il devient plus à l’aise dans son corps, moins obsédé par la performance.

Pour qui veut s’y lancer : informez-vous, vérifiez l’éthique du praticien, assurez-vous d’un cadre clair. Le tantra, ce n’est pas une promesse de plaisir facile, c’est un engagement à revisiter vos habitudes et à accepter vos failles. Sur cette page, on trouve pas mal de ressources pour démarrer, des explications sur les différents rituels, les exercices de respiration, ou encore sur l’histoire du tantra hors clichés européanisés.

Quand le tantra devient voyage initiatique : trouvailles et équilibres

Quand le tantra devient voyage initiatique : trouvailles et équilibres

Après trois séances, M. s’est vraiment apaisé. Ce n’est pas qu’il ait arrêté d’être excité, mais il ne s’en voulait plus. Le plaisir ne venait plus d’un geste, mais d’une sensation diffuse, plus mûre. Le tantra, quand il est bien accompagné, t’apprend à sortir de la logique de la récompense immédiate, à voir ton désir autrement. Il y a des jours plus faciles, d’autres moins. La tentation de sexualiser chaque geste persiste, c’est normal. Mais à force d’honnêteté et de pratique, les moments de honte ou de gêne s’amenuisent. Le praticien aussi évolue : on apprend à mettre ses propres limites, à tenir bon face aux projections fantasmatiques, à rappeler, parfois brutalement, qu’on n’est pas dans le service, mais dans l’accompagnement.

Prendre soin de soi grâce au tantra, c’est accepter de nager à contre-courant. Ce sera souvent inconfortable, souvent perturbant, mais les bénéfices s’étendent bien au-delà de la chambre ou de la table de massage. Tu gagnes une forme de tranquillité, un rapport plus simple à ton désir, et tu arrêtes de te laisser définir par ta capacité – ou non – à te contrôler. L’essentiel reste cette capacité à transformer le plaisir en énergie de vie, à se réconcilier avec soi-même sans passer par la case autopunition ou fantasme insatisfait.

En résumé, la pratique tantrique n’est pas un sprint vers l’extase, mais une randonnée intérieure. On apprend à marcher, tomber, se relever. On apprend à aimer sa part vulnérable. Ceux qui s’en sortent le mieux ? Ce ne sont pas les ascètes, ni les épicuriens invétérés, mais ceux qui savent accepter ce qui vient, sans jugement ni fuite.

Ecrit par Julien Lamarche

Je suis masseur professionnel à Lyon et je suis passionné par le bien-être. J'aime combiner mes compétences et mes connaissances pour aider mes clients à atteindre un équilibre corporel et mental optimal. En parallèle, j'adore écrire des articles sur le massage à Paris, inspirant mes lecteurs à explorer les multiples bienfaits de cette pratique. Ma curiosité et ma passion pour la culture parisienne enrichissent mon écriture. J'aspire à partager mon amour pour le massage avec un public plus large.